Dans le cadre de sa tournée de massification de son Parti qui l’a conduit dans le département de Podor, le chef de file du Parti «Pastef», a fait un saut à Dahra où il a fait quelques visites de proximité et rencontré ses militants et sympathisants. A cet effet, SourceA a accroché le parlementaire qui a passé en revue la gestion du pays par Macky Sall, l’emprisonnement de Khalifa Sall et de Barthélémy Dias qu’il qualifie d’excès de zèle. D’ailleurs, Ousmane Sonko de se demander : «au nom de quoi les magistrats ne seraient pas critiqués ?».
SourceA : Quel bilan tirez-vous des 6 ans de Macky Sall ?
Ousmane Sonko : Macky Sall s’est trompé d’objectif, alors que la vision est très importante et celle –ci a été biaisée, depuis le départ et ensuite reproduite dans un document appelé PSE (Plan Sénégal Emergent) qui nous a coûté 3 milliards F Cfa, rien que pour sa fabrication et financé par un endettement chronique. Le résultat ne pouvait être autre. Il croit que les priorités du Sénéga,l c’est de construire une cité nouvelle à Diamniadio, de faire immerger des immeubles, de faire des trains surfacturés à 1200 milliards F Cfa, alors que dans les cycles du développement, il y a des étapes à respecter.
Vous ne pouvez pas avoir un secteur de l’enseignement complétement à terre et un secteur de la santé idem ; les gens éprouvent des difficultés à se nourrir correctement ; une bonne partie du pays est sous la menace d’une famine ; des problèmes élémentaires d’écoulement agricole et vous, vous êtes dans le gigantisme. Il s’est trompé avec un endettement chronique, même nos petits-fils ne pourront pas payer cette dette. La pauvreté est galopante, on vous parle de taux de croissance de 6 % et la pauvreté n’a jamais atteint des niveaux aussi importants avec 69,11% à Kolda .Vous n’aurez pas résorbé ou atténué le problème de l’emploi, particulièrement des jeunes. On est dans quel modèle, finalement. Si vous y ajoutez tous les problèmes liés à la gouvernance de ce pays, les scandales, les détournements de fonds publics. Nos ressources naturelles, qui sont vendangées dans des conditions extraordinaires au détriment du Sénégal. Vous y ajoutez les atteintes aux systèmes démocratiques, les manipulations du système électoral. On vient de sortir des pires élections qu’on ait connues au Sénégal. L’instrumentalisation des outils de l’Etat et de la justice pour attaquer des adversaires politiques, les emprisonner et les exiler, les radier. ..Vous-mêmes, vous pouvez faire à partir de ce moment, ce bilan par rapport à un homme qui était venu promettre aux Sénégalais une gestion sobre et vertueuse, la patrie avant le Parti et aujourd’hui on doit dire la famille, la belle-famille avant la patrie ; qui était venu proposer aux Sénégalais la restauration de l’Etat et de la République. Mais on est aux antipodes de tout cela. Et c’est pourquoi, si on devait résumer les six ans de Macky Sall, ce serait en un mot : trahison.
SourceA : Que pensez-vous de la condamnation de Khalifa Sall ?
Ousmane Sonko : Tout le monde sait que c’est une affaire politique. Si Khalifa Sall avait accepté de faire ce qu’ils voulaient, évidemment, il n’aurait pas eu ces déboires-là. C’est strictement politique. Et nous condamnons cet usage de la justice. Nous interpellons les magistrats. Pour nous, les principaux responsables, ce sont les magistrats. Ils ont tendance à réclamer leur statut de pouvoir, mais ce statut, ce n’est pas par des déclarations qu’on l’a. C’est, d’abord, une posture. C’est, d’abord, la dignité de la fonction et à partir de ce moment, le respect, qui leur est dû, leur restera accordé. Mais je ne peux pas comprendre qu’ils se disent pouvoir, que, constitutionnellement, la Constitution les érige en pouvoir judiciaire et qu’ils continuent à accepter de recevoir des instructions et eux-mêmes le disent. Si vous regardez l’actuel président de l’Union des magistrats du Sénégal (UMS) ou l’ancien Président Aliou Niane ou même celui qui était Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), tous disent qu’ils reçoivent des ordres de poursuite ou de ne pas poursuivre. C’est illégal. Le ministre de la Justice peut donner des ordres de poursuites, mais ne peut pas donner des ordres de ne pas poursuivre. Pire encore, les magistrats vous disent que même les magistrats assis, c’est-à-dire les juges qui sont organiquement fonctionnellement totalement dépendants et autonomes, reçoivent des instructions de l’Exécutif et c’est grave parce que le socle d’un pays, c’est la justice. Quand un pays n’a pas de justice, il n’offre aucune garantie. Ni aux ressortissants ni aux étrangers qui devraient venir.
SourceA : Est-ce à dire que vous appuyez Barthélémy Dias dans ses dires ?
Ousmane Sonko : Je ne sais pas ce que Barthélémy Dias a dit, exactement, mais, moi, je considère que, dans un pays démocratique, on n’emprisonne plus des gens pour des histoires d’outrage à magistrat. À la limite, c’est des amendes pécuniaires qui sont appliquées, mais pas emprisonner quelqu’un. Mais le magistrat, il est qui ? J’ai bien aimé un magistrat qui a démissionné et je lui rends un vibrant hommage, qui disait que c’est depuis l’école qu’il y a ce problème-là. Moi, j’ai été à l’ENA en tant qu’Inspecteur des Impôts. Il y a un problème de formation, parce qu’on vous fait croire que tu es un citoyen exceptionnel. On vous dit que le contribuable est ceci, est cela. Si c’est les magistrats, on vous dit les justiciables. Vous pensez même qu’ils sont extra-terrestres, alors que les autres sont vos frères, vos sœurs. Ils sont rémunérés par le peuple ; donc, ils doivent respecter des règles qui ont été votées et des procédures. Ils ne le font pas, mais on a le droit de les critiquer, comme on critique le Président de la République qui est une Institution. Au nom de quoi, ils ne seraient pas critiqués.
Propos recueillis par Moustapha Ndiaye, Correspondant à Linguère