La question de l’abrogation de la loi de 2007 a constitué la véritable pomme de discorde entre les Avocats de la défense et le Procureur de la République. En effet, si, pour les premiers, la poursuite de leurs clients n’a aucune base légale, parce que la loi sous laquelle ils ont été arrêtés a été abrogée, le maître des poursuites, quant à lui, soutient, fermement, que la loi de 2007 n’a pas été abrogée mais plutôt modifiée. En plus, estime le Proc’, la compétence de la juridiction n’est plus à prouver et que les droits des accusés ont bien été respectés, durant toute la procédure.
Dès l’entame du second jour du procès, hier mardi, de l’Imam Ndao et ses 31 codétenus poursuivis pour apologie du terrorisme et financement au terrorisme, devant la Chambre criminelle, les Avocats de la défense ont demandé l’arrêt des poursuites. Selon eux, l’évidence des nullités ne peut pas permettre la poursuite de ce procès. « C’est la loi de 2007, qui a introduit le terrorisme dans notre dispositif pénal. Les accusés ont été placés, tous, sous mandat de dépôt, sur la base de cette loi de 2007. C’est en novembre 2016, que la loi sur le terrorisme a été votée par l’Assemblée nationale. Et l’article 2 de cette loi dit, clairement, que la loi de 2007 est abrogée. Dès lors, on ne peut plus poursuivre des personnes et demander leur condamnation, sur la base d’une loi qui a été abrogée. Tous les accusés, qui sont, ici, sont poursuivis pour des faits commis en 2015 et sur la base de la loi de 2007″, a affirmé Me Kane.
Pour sa part, Me Demba Ciré Bathily trouve qu’il n’y a pas de base légale pour les poursuites, en vertu du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. A l’en croire, « Mohamed Lamine Mballo n’a jamais été assisté par un Avocat, lors de son audition par le juge d’instruction. Alors qu’on est en matière criminelle« . Avant d’ajouter que si tel était le cas, peut-être, qu’il ne serait pas là.
Mamadou Seck, mineur, à l’époque des faits, ne doit pas, selon les dispositions de la loi, être jugé devant une juridiction pour adulte
Me Moussa, quant à lui, affirme : « Imam Alioune Ndao est placé sous mandat de dépôt, depuis le 6 novembre 2015. Nous estimons qu’il y a une erreur, parce que la loi du 8 novembre 2016 ne peut être appliquée en l’espèce. Toutes les infractions, comme l’apologie et le financement au terrorisme, visées contre les accusés, sur la base de la loi de 2007, déjà, abrogée, doivent être annulées. Car, il n’est pas prévu dans la loi de 2016 une disposition spéciale, qui prévoit le principe de la rétroactivité ». Ce qui prouve, selon la robe noire, que « c’est une erreur que le législateur a commise dans la précipitation. Et le Parquet doit l’accepter. On est tous contre le terrorisme, mais on est tenu de respecter la loi, sans état d’âme ».
S’agissant du cas de Mouhamed Seck, qui était mineur, au moment de faits, Me Abdou Gning déclare que « ce sont les articles 565, 566 et suivants du Code pénal, qui, disposent, clairement, que les infractions commises par un mineur ne peuvent être jugées que par une juridiction pour enfant. Et ceci est valable, même en matière de terrorisme, en vertu de la loi 2014 sur le terrorisme. Cette loi prévoit une juridiction spéciale dans ce cas. L’article 677, évoqué par le Procureur, ne peut être appliqué qu’en matière de compétence territoriale ». Et Me Gning de demander la disjonction de l’accusé Mouhamed Seck. Et, pour le cas de son client Mouhamed Mballo, « la procédure manque de base légale. Il faut ordonner la levée de son mandat de dépôt », dit-il.
Selon le procureur, la loi de 2007 n’a pas été abrogée, mais plutôt modifiée…; seule cette juridiction spéciale pour majeur est compétente pour juger l’accusé Mouhamed Seck
Le Procureur de la République, qui est revenu à la charge, trouve qu’il n’y a rien de neuf, sous le soleil, après avoir réécouté la défense. Sur l’incompétence soulevée, le législateur sénégalais n’a pas prévu un tribunal spécial pour enfant, en matière de terrorisme. Donc, seule cette juridiction spéciale pour majeur est compétente pour juger le prévenu Mouhamed Seck.
En outre, il persiste à dire que l’ordonnance rectificative a été notifiée à l’ensemble des accusés. « Mohamed Mballo et Alpha Diallo ont été entendus et inculpés par le juge d’instruction. Où est, donc, la nécessité de les interroger à nouveau dans l’ordonnance de renvoi du 19 mars dernier« , a-t-il poursuivi. Pour la loi de 2007, le Procureur de la République précise qu’elle a été modifiée et non abrogée. Ainsi, il a réitéré sa demande de rejeter toutes ces exceptions. Car, dit-il, « ils ne se fondent sur rien, pour dire que les poursuites manquent de base légale« .
Maguette NDAO