La ville de Douma et toute l’enclave rebelle de la Ghouta orientale sont repassées sous le contrôle de l’armée syrienne, annonce ce jeudi matin le ministère russe de la Défense. Des autorités russes qui ont réagi avec calme à la salve de tweets lâchée hier par le président américain, Donald Trump. Les Occidentaux, Etats-Unis, Royaume-Uni et France en tête accusent Vladimir Poutine de soutenir inconditionnellement le régime de Bachar el-Assad et de cautionner ses exactions. Une tension qui crée un blocage dangereux au Conseil de sécurité des Nations unies.
Dans cette confrontation diplomatique, Moscou entend incarner la voix de la raison et de la modération, rappelle notre correspondant à Moscou, Etienne Bouche. Une manière de se distinguer de Donald Trump qui se répand sur le réseau Twitter.
« Nous ne participons pas à la twitto-diplomatie. Nous sommes partisans d’approches sérieuses », a déclaré mercredi le porte-parole du Kremlin. Dmitri Peskov a également dit espérer que toutes les parties « évitent tout acte qui ne serait, en réalité, en aucun cas justifié ». Vladimir Poutine a adopté le même ton. « La situation dans le monde devient de plus en plus chaotique. Néanmoins, nous espérons que le bon sens finira par l’emporter et que les relations internationales prendront une direction constructive ».
Il faut rappeler que la Russie nie l’attaque chimique dont les Etats-Unis la juge en partie responsable. Un général russe a défendu mercredi que cette attaque avait été « mise en scène devant les caméras ». Selon le Kremlin, elle « ne peut être utilisée comme prétexte pour avoir recours à la force ».
Mise en garde d’Antonio Guterres
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres a mis en garde les cinq membres permanents du Conseil de sécurité contre une situation susceptible de devenir hors de contrôle en Syrie, à cause précisement de cette opposition entre les Russes d’une part, et les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni d’autre part. Londres ou la Première ministre Theresa May convoque ce jeudi une réunion d’urgence de son gouvernement sur la crise syrienne.
Les Etats Unis et la France envisagent des frappes en Syrie malgré le veto russe. La France et les Etats-Unis interviendraient donc sans mandat de l’ONU, ce qui serait une première pour la France, qui n’avait pas participé aux frappes unilatérales des Etats-Unis l’an dernier suite à l’attaque chimique de Khan Cheikhoun. On assiste à une « dérive du multilatéralisme » analyse Bertrand Badie, chercheur au CERI (Centre d’Etudes et de Recherches Internationales).
Une « dérive du multilatéralisme »
« Il est en train de se mettre en place un nouveau principe qui est quand même très préoccupant, qui consiste à utiliser le Conseil de sécurité comme mode de démonstration qu’il y a désaccord frontal entre les principales puissances ». Ce désaccord, qui bloque toute initiative du Conseil de sécurité, autoriserait un camp à intervenir et à imposer sa loi au nom de la communauté internationale, poursuit le chercheur.
« Sauf que, ce ‘au nom de la communauté internationale’ a une valeur peut-être morale, mais certainement plus juridique. C’est donc un précédent relativement préoccupant pour l’avenir des relations internationales. Donc là, il y a une dérive du multilatéralisme qui, effectivement, n’ouvre aucun droit, mais semble définir une méthode, une méthode de substitution de quelques vieilles puissances, à une communauté internationale qui ne parvient pas à s’articuler ».
La Bolivie, l’un des rares soutiens de la Russie dans ce dossier, a demandé la tenue ce jeudi d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur « l’escalade récente de rhétorique concernant la Syrie ».