Emmanuel Macron était interviewé ce dimanche soir sur BFMTV, RMC et Mediapart. Il répondait, en direct et pendant près de trois heures, aux questions de Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel depuis le palais de Chaillot, à Paris. Une nouvelle étape de l’offensive médiatique du président après l’interview donnée dans une école de l’Orne à TF1, jeudi.
Un format plus long, plus dense, un cadre plus solennel aussi – celui du théâtre national de Chaillot – avec sans doute une place plus grande offerte à la situation internationale : l’interview du président de la République par Edwy Plenel (Mediapart) et Jean-Jacques Bourdin (BFMTV, RMC) de ce dimanche s’est démarquée à plus d’un titre de celle donnée jeudi à TF1, dans une classe d’école de Berd’huis, en Normandie.
Au lendemain de frappes conjointes (France – Etats-Unis – Grande-Bretagne) contre le régime syrien, et alors que le gouvernement doit affronter plusieurs conflits sociaux d’importance (SNCF, universités…), Emmanuel Macron a dû avant tout défendre le bilan d’un an de présidence, marqué par un train de réformes menées tambour battant.
Retrouvez ci-dessous ses principales déclarations :
■ Sur les frappes en Syrie
Interrogé sur les preuves de l’attaque chimique en Syrie, le président a d’abord précisé que « l’opération a été parfaitement conduite. » « L’intégralité des missiles ont atteint leurs cibles et les capacités de production d’armes chimiques ont été détruites. » Emmanuel Macron a déclaré « avoir eu la preuve par nos services [de renseignement] » que des armes chimiques ont été utilisées, puis la preuve que cette utilisation « pouvait être attribuée au régime syrien ».
A la question de savoir pourquoi s’être passé d’un mandat de l’ONU, le président de la République a affirmé que « c’est la communauté internationale qui est intervenue » en précisant que « la France n’a pas déclaré la guerre au régime » de Bachar el-Assad.
Emmanuel Macron a par ailleurs déclaré vouloir « convaincre » les Russes et les Turcs de venir à la table des négociations, tout en affirmant avoir convaincu Donald Trump, qui évoquait récemment un retrait des troupes américaines de Syrie, d’y « rester dans la durée ».
Le chef de l’Etat a enfin confirmé qu’il se rendrait à Saint-Petersbourg fin mai à l’occasion d’un forum économique.
→ Frappes en Syrie : comment Russes et Occidentaux ont évité l’escalade ? Retrouvez nos explications.
■ Sur le mécontentement social en France
Questionné sur les mouvements sociaux qui se multiplient en France (cheminots, étudiants, Notre-Dame-des-Landes), le président a déclaré « entendre » les colères, mais il estime qu’il n’y a « pas de coagulation dans les mécontentements ».
Sur le sujet de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, il a précisé que la « colère » des opposants n’était « pas légitime » et que « tout ce qui devra être évacué le sera » à l’issue du nouveau délai de régularisation laissé par le gouvernement aux occupants illégaux.
Ce dimanche, des milliers de personnes se sont rassemblées sur la ZAD en soutien aux militants expulsés. Cette ZAD peut-elle encore perdurer ? Retrouvez notre décryptage.
■ Sur l’optimisation fiscale en Europe
Sur le sujet des différences de fiscalité entre Etats européens, l’interview s’est tendue, le président et ses intervieweurs s’écharpant sur les termes « d’évasion » et « d’optimisation » fiscales. Le président a néanmoins condamné ces deux pratiques, ajoutant que ces problèmes devaient être réglés en « rapprochant les Etats » au niveau européen.
■ Sur les inégalités sociales et sa politique fiscale
Emmanuel Macron s’est défendu d’être le « président des riches » – « Vous ne m’avez jamais entendu parler du ruissellement » – tout en défendant sa politique fiscale, notamment une réforme de l’Impôt sur la fortune décriée. « Les choix qui ont été faits [ont pour objectif] de garder les talents et les attirer, et leur permettre de réinvestir dans l’économie. »
Il assume également demander à certaines catégories de la population, comme les retraités, un effort supplémentaire : « J’entends la colère mais je fais ce que j’ai dit: je demande un effort aux retraités sur la CSG. 60 % d’entre eux auront une compensation à compter du 1er novembre. »
Emmanuel Macron a également assuré ce dimanche que la fiscalité n’augmenterait pas en France durant son quinquennat et que le gouvernement ne créerait pas de nouvel impôt, ni local ni national.
■ Sur le système de santé
Il n’y aura « pas d’économies sur l’hôpital dans ce quinquennat. » C’est ce qu’a assuré le président ce dimanche soir, alors que les hôpitaux, et notamment les services d’urgence, sont en crise. Des décisions sur ce sujet seront par ailleurs annoncées fin mai, a-t-il précisé.
Le chef de l’Etat a néanmoins reconnu que le mécontentement est grand dans ce secteur : « Ce sont des vérités insoutenables. 15 à 20 % [des services d’urgence] sont touchés. La réponse apportée est d’abord une réponse de réorganisation. » Emmanuel Macron veut également « sortir de la tarification à l’activité ».
■ Sur la réforme des retraites
Interrogé sur les retraites, le président a expliqué que son objectif était « que [cette] réforme soit votée en 2019 », avançant qu’il tenait au « système de répartition » qui crée une « solidarité intergénérationnelle ». Il estime néanmoins que « les régimes spéciaux auront vocation à disparaître ». « L’idée est de se donner dix ans pour que progressivement tout le monde converge dans un système unique. »
■ Sur la réforme de la SNCF
Le président a assuré ce dimanche que l’Etat reprendra progressivement la dette de la SNCF à partir de 2020, quand le groupe sera réformé. Aucun montant n’est néanmoins précisé. « J’ai dit aux cheminots que j’étais favorable au fait que l’Etat reprenne le plus possible de la dette en échange d’une modernisation du statut », a déclaré le locataire de l’Elysée en rappelant que chaque année, la SNCF perd « un milliard et demi » d’euros car elle n’est « pas assez efficace » – « 30 % moins performante que ses homologues européens ».
Par ailleurs, Emmanuel Macron a assuré qu’il ne voulait « pas privatiser » l’entreprise publique, soulignant que les titres étaient « incessibles ». « Je pense que ça n’a aucun sens. »
► Pour mieux comprendre : Pourquoi la réforme de la SNCF fait du sur place
■ Sur l’islam et le radicalisme religieux
Pour le chef de l’Etat, l’islam est une « religion en quelque sorte nouvelle pour la République », reconnaissant une « peur » chez certains Français mais une peur qui « se nourrit d’un fait qu’il faut regarder en face : l’islamisme radical qui n’est pas l’islam ».
Interrogé justement sur les phénomènes d’embrigadement de jeunes dans l’islamisme radical, Emmanuel Macron a estimé que le « travail de reconquête » était « l’un des plus grands défis de notre nation ».
Le chef de l’Etat a eu un mot également sur le port du voile islamique : « Je veux être sûr qu’une femme voilée l’est par choix », a-t-il déclaré, estimant toutefois que le voile n’était « pas conforme à la civilité qu’il y a dans ce pays, dans le rapport entre les hommes et les femmes ».
■ Sur la politique migratoire de la France
Avançant que le pays était face à un « phénomène migratoire inédit » et qui ne sera pas de courte durée, le président Macron a affirmé que « concentrer les gens qui arrivent, [c’était]multiplier les inégalités au carré. »
« Le droit d’asile est constitutionnel en France », a rappelé le chef de l’Etat qui conteste que le gouvernement cherche à raccourcir les délais d’examen d’une demande pour « rendre le droit d’asile plus difficile », comme l’avançait Edwy Plenel.
Le président souhaite que le délit de solidarité soit « adapté » et non « supprimé ». « Parfois, avec des bons sentiments, on couvre des crimes », a-t-il déclaré, évoquant les réseaux de passeurs qu’il est impératif de démanteler.