Le sit-in, initialement, prévu devant les locaux du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique, par l’Initiative pour des Elections Démocratiques, s’est terminé en queue de poisson. En effet, les forces de sécurité n’ont pas donné l’occasion aux opposants de déposer leur mémorandum au niveau ministre Aly Ngouille qu’ils ne veulent plus voir, même en photo, à l’organisation de la prochaine Présidentielle. Au contraire, Omar Sarr, Me Madické Niang, Pape Diop et Cie ont eu droit à des jets de grenades lacrymogènes. Qui les ont contraints à une course-poursuite que les Livres d’Histoire auront du mal à ne pas immortaliser.
C’est dans la nuit d’avant-hier jeudi que la nouvelle est tombée. Le Préfet de Dakar a décidé d’interdire le sit-in initialement, prévu devant les locaux du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique par l’Initiative pour des Elections Démocratiques (IED). N’importe quoi, ripostent, aux heures qui suivent, les opposants regroupés autour de ladite Initiative. «Les motifs indiqués dans cet Arrêté préfectoral sont, totalement, irrecevables. Ils y évoquent des menaces de troubles à l’ordre public, des risques d’infiltration par des individus mal intentionnés et des entraves à la libre circulation des personnes et des biens. Le 9 février dernier, des dizaines de milliers de Sénégalais ont marché des kms dans les rues de Dakar à l’appel de notre regroupement, sous l’encadrement de la police, sans que le moindre incident ne soit signalé. L’ordre public n’a pas été troublé, des individus mal intentionnés n’ont pas infiltré la marche et la libre circulation des personnes et des biens n’a pas été entravée. De fait, le régime de Macky Sall a décidé de bâillonner le peuple et d’instaurer une dictature dans notre pays. Un tel projet ne passera pas», s’est braquée l’IED.
Celle-ci a, ce faisant, appelé «toutes les Sénégalaises et tous les Sénégalais à venir, massivement, ce vendredi 9 mars 2018, à 10h, accompagner les délégations désignées à cet effet pour déposer des lettres de protestation au Ministère de l’Intérieur, auprès de Son Eminence l’Archevêque de Dakar, de l’Association des Imams et Oulémas et à la Médiature de la République». La confrontation avec les forces de sécurité était donc inévitable.
Les voies menant vers le Ministère de l’Intérieur interdites d’accès
L’Initiative pour les Elections Démocratiques a voulu joindre l’acte à la parole. Elle a, en effet, décidé de braver l’Arrêté préfectoral, interdisant son sit-in de ce vendredi 9 mars. L’Autorité s’y attendait. Un dispositif a été mis sur pied pour faire du Ministère de l’Intérieur une forteresse imprenable. Toutes les voies d’accès, qui mènent vers la Place Washington, ont été bloquées par les forces de l’ordre.
Les piétons, conducteurs de transport en commun et simples curieux ont été, sagement, invités à changer d’itinéraire. Sans rechigner, ces derniers s’exécutent. Ils avaient d’autres choses à faire plutôt que de se muer en manifestants d’un jour. Cette mesure a eu pour conséquence de rendre davantage difficile la circulation dans les artères du centre ville. Les voitures ne circulaient que difficilement.
Mamadou Lamine Mansaly en cellule d’isolement
Les manifestants ont, comme convenu, décidé de faire du rond-point Sandaga leur point de ralliement. A l’arrivée de SourceA sur place, les seuls leaders présents sont Mamadou Diop de Croix, Omar Sarr, Me Amadou Sall, Mayoro Faye, Bachir Diawara… Mais tout à coup, les grenades lacrymogènes tonnent. «Nous, nous n’avons pas des armes», s’écrie Mamadou Diop Decroix. «On ne se laissera pas faire», dixit Me Amadou Sall. Mais, c’était sans compter avec les forces de l’ordre, qui ont décidé de disperser, systématiquement, tous les groupes de personnes qui trainent dans les parages. Soudain, Omar Sarr et Mamadou Diop Decroix sont pris dans l’étau de deux rangées d’hommes en tenue bleue marine.
Ces derniers n’ont pas hésité à noyer, sous une pluie de grenades lacrymogènes, les trois responsables qui se la jouent les durs à cuire. S’ensuivent les arrestations de Marie Sow Ndiaye et de Mamadou Diop Deroix, tous deux des députés. Ils ont, par la suite, été libérés. Mamadou Mansaly n’a pas eu ce privilège. Arrêté en même temps qu’une vingtaine de manifestants, il a été isolé, dans une grille, d’après Moussa Diakhaté de Bokk Gis-Gis. Pour protester, le jeune responsable libéral a refusé de s’alimenter.
Pape Diop prend la tangente
Mayoro Faye, Me Amadou Sall et Bachir Diawara, positionnés un peu plus bas, sont obligés de se rendre à l’évidence. Ils ne pouvaient plus avancer. Par conséquent, ils décident de reculer d’un cran. Pape Diop, quant à lui, n’a pas eu à bousiller ses méninges, pour savoir la conduite à tenir. Soudain, un de ses lieutenants arrive. Son leader, parait-il, voulait faire une déclaration. Seulement, il fallait que ceux, qui étaient intéressés, retrouvent son émissaire aux abords du Palais de justice de Dakar. Sauf que les forces de sécurité étaient en alerte. Elles ont bien compris ce qui se tramait. Quelques Agents sont déplacés vers les lieux du rendez-vous. A leur arrivée, le leader de «Book Gis-Gis» n’avait encore pipé mot. Son chauffeur, qui a senti le danger, décide de prendre la tangente, amenant l’ancien Président du Sénat vers un endroit plus sûr. Finalement, vers 12H, certains manifestants nous informent qu’ils ont décidé de mettre un terme à leur manifestation.
Une vendeuse s’évanouit, une grenade lacrymogène lancée par dessous d’un bus Dakar DEM DIK
La marche s’est, en fait, terminée en queue de poisson. La mobilisation a été faible. Très faible même. Après la mi-journée, les initiateurs ont pris d’assaut les locaux du Commissariat pour demander la libération de leur détenu. Les forces de l’ordre décident, quant à elles, de poursuivre les quelques récalcitrants jusqu’à leur dernier retranchement. Les jets de fumées asphyxiantes se poursuivent. Un bus «Dakar Dem Dik» est même pris au piège près de la pharmacie Guiguon.
Un peu plus loin, au niveau du garage Lat Dior, une vendeuse de déjeuner est tombée dans les vapes. Une de ses collègues éclate en sanglots. «Elle va mourir. Il faut l’aider», s’exclame-t-elle. Les autres vendeuses la rassurent, en lui faisant savoir que la victime va reprendre ses esprits. Tout de même, elles, aussi, fustigent le comportement des forces de l’ordre. D’ailleurs, il y en a même, qui ne savaient pas qu’il y avait un sit-in de l’opposition. Comme quoi, l’appel à manifester de l’IED n’est pas bien passé auprès de l’opinion.
Néanmoins, les habitués du garage Lat Dior ne sont pas les seuls à avoir fait les frais de cette manif’. Les élèves de l’Ecole Adja Mame Yacine Diagne, de la rue de Thiong, près du Commissariat central ont, eux aussi, reçu leur dose.
Ce vendredi, tout terrain foulé au pied par les membres de l’IED se transformait, tout à coup, en champ de bataille. Tout Sandaga en a pâti. Par contre, le dernier mot est revenu aux hommes d’Aly Ngouille Ndiaye. L’Initiative pour des Elections Démocratiques n’a pas pu accomplir l’un des objectifs qu’il s’était assignés. A savoir, déposer son mémorandum auprès du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique.
Omar NDIAYE