Le président américain se dit « heureux » d’être arrivé dans la cité-Etat asiatique où il rencontrera demain mardi, Kim Jong-un. Ce sera le premier tête-à-tête de l’histoire entre un dirigeant américain en exercice et un leader nord-coréen. En attendant l’entrevue, les deux délégations profitent de ce lundi pour peaufiner leur ébauche de communiqué final.
Avec notre envoyée spéciale à Singapour, Anne Corpet
Les délégations américaine et nord-coréenne ont repris ce lundi matin leurs discussions à Singapour, à l’hôtel Ritz. Elles se sont séparées après deux heures de conversation que le secrétaire d’Etat américain a qualifié de « substantielle et détaillée ». Les pourparlers entamés à Panmunjom, dans la zone démilitarisée entre les deux Corées, depuis plusieurs semaines, n’ont pas encore abouti à la déclaration commune qui doit clore le sommet demain.
Et c’est là-dessus que les négociateurs travaillent. Les Américains tiennent à inclure dans leur texte le terme « dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible ». Ils souhaitent obtenir aussi un calendrier. Les Nord-Coréens, eux, demanderaient avec insistance l’établissement d’un bureau de liaison américain à Pyongyang.
Le temps presse, mais les deux parties continuent d’afficher leur optimisme. Selon la presse sud-coréenne qui cite une source à Singapour, Kim Jong-un aurait d’ores et déjà invité Donald Trump à Pyongyang en juillet prochain.
De son côté, vendredi 8 juin, le président américain avait déclaré qu’il n’excluait pas d’inviter le dictateur nord-coréen à la Maison Blanche. Cette troisième rencontre aura lieu à Washington en septembre.
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Ces sommets ne se tiendront bien entendu que si le premier rendez-vous fixé demain entre les deux dirigeants se déroule bien.
Or selon, chercheur au Centre d’étudesinternationales et stratégiques à Washington, le dirigeant nord-coréen a pour l’instant plus de gains dans la négociation que son interlocuteur américain : « Après qu’il a décidé d’arrêter ses tests nucléaires et de s’engager à participer aux Jeux olympiques en Corée du Sud, Kim Jong-un a complètement transformé son image. Il est plus accepté et a plus de légitimité sur la scène internationale : il a rencontré deux fois le président chinois Xi Jinping, il a vu deux fois le chef d’Etat sud-coréen, il a reçu le ministre russe des Affaires étrangères. Et nous avons des indications sur un affaiblissement de la mise en oeuvre des sanctions. La Chine n’est plus aussi sévère. »
« Donc, même si le sommet ne lui réussit pas très bien, Kim est dans une bien meilleure position qu’il y a quelques mois », conclut le chercheur.
A l’abri des regards
En attendant, les négociations se tiennent évidemment à huis clos, dans une atmosphère plus policée qu’excitante. L’accès au lieu où résident les deux dirigeants est ultra sécurisé, mais il est possible d’entrer au Shangri-La où est logé le président américain.
Donald Trump, cela dit, a quitté son hôtel en fin de matinée pour déjeuner avec le Premier ministre de Singapour que Kim Jong-un a rencontré hier.
Le St-Régis où réside le dirigeant nord-coréen est lui beaucoup plus difficile d’accès. Seuls les membres de la délégation nord-coréenne et les résidents de l’hôtel peuvent y rentrer. Un grand rideau a été tendu devant la façade afin d’empêcher les photographes et les badauds d’apercevoir Kim Jong-un qui ne semble pas être sorti de son hôtel ce matin. Aucune information n’a en tout cas filtré sur l’emploi du temps du dirigeant nord-coréen ce lundi.
■ Les médias sud et nord-coréens en boucle sur la rencontre
Avec notre correspondant à Séoul, Frédéric Ojardias
Le « Leader Suprême » s’est envolé pour Singapour afin de rencontrer Donald Trump, annonce triomphalement la télévision d’Etat nord-coréenne ce matin. La première page duQuotidien des travailleurs montre Kim Jong-un monter à bord de son avion Air China.
Une transparence étonnante : en général, les médias nord-coréens évitent de mentionner à l’avance les déplacements de leur dirigeant, pour éviter tout embarras en cas de problème. Kim discutera avec Trump de « paix et de dénucléarisation de la péninsule » ainsi que de « l’établissement de nouvelles relations » – qui reflètent « des temps qui changent » – assure la presse officielle du régime.
En Corée du Sud, les opinions sont divisées. Le quotidien conservateur Joongang parle de « rude bataille » et doute que le Nord acceptera vraiment de renoncer au nucléaire de façon irréversible.
Le journal de centre-gauche Hankyoreh assure lui que « plus vite [Kim et Trump] déclareront la fin de la Guerre de Corée, plus rapide sera la dénucléarisation du Nord ». Un optimisme peut-être excessif, signe en tout cas des attentes élevées des Sud-Coréens face à une rencontre qualifiée de « sommet du siècle ».