Contexte et prétexte sont deux belles occurrences. Quand l’un offre le cadre spatiotemporel pour dire ou faire quelque chose, l’autre donne l’occasion rêvée de pénétrer dans l’un. Le radical commun n’est pas, alors, fortuit, mais pouvait-on imaginer une telle relation entre les deux : une histoire de pénétration. En Wolof, on se serait servi du coq, pour dire ce qu’on pense d’un sujet, sans qu’un quelconque contexte ne le justifie. Ce coq est, alors, plus qu’un animal dans l’histoire, c’est un véhicule, qui permet de pénétrer dans le contexte. Il est le prétexte. Allégorie de pénétration du même acabit : le cheval de Troie.
Troie, assiégée pendant une dizaine d’années sans être pénétrée, tombait sous la ruse d’Ulysse. Lui qui a eu l’ingénieuse idée, qui permit le dénouement de la guerre, en proposant d’abandonner un cheval géant en bois devant les portes de la ville. Cette grande œuvre en bois contenait tout ce qui pouvait plaire aux troyens. Ne se doutant point qu’il ne s’agissait qu’un prétexte pour exposer les flancs de cette ville. Les troyens passèrent toute la nuit à faire la fête, contents d’avoir tenu tête aux envahisseurs grecs et d’être venus à bout de leur patience. Lorsqu’ils sont allés dormir, les soldats grecs, qui se cachaient dans le cheval, en ressortirent, ouvrirent les portes et firent entrer les leurs. Ainsi, Troie, dans son sommeil, fut surprise pour, ainsi, être assiégée.
Ici, notre coq est le philosophe de Songué. Il a, aussi, l’allure du cheval de Troie, laissant sortir de ses flancs, la section qui va à l’assaut de Troie, Troie comme la société sénégalaise. Une langue qui a fourché, des propos sans nuances «vous nous poussez à nous violer» qui défient le politiquement correct et la horde de féministes se lève pour défoncer un portail ouvert. Le viol, cette autre histoire de pénétration, comme l’une des humiliations abjectes ne saurait trouver ni défenseurs, ni théoriciens. Ce lien qu’on a voulu trouver entre la nudité et les poussées libidinales n’est pas systématique ; l’une ne justifie ni n’explique l’autre certes ; mais attention ! Il n’y a pas que des personnes équilibrées parmi nous. Nous marchons tous dans les mêmes rues, sans aucune inscription sur notre front. Les pathologies et les excès ne nous sont pas attachés au cou. Si des études montrent que les auteurs de viols, pour la plupart, ne souffrent d’aucune pathologie, cela ne dit pas qu’il n’y a pas un seul cas, dont l’auteur est un déséquilibré. Oui, certes ! Tant de manière de dire ce qu’il a voulu «peut-être» dire, mais il a manqué cette nuance-là dans «vous nous poussez à vous violer». Tant d’autres thèmes de propagande sont venus se greffer au sujet. Oui, l’occasion était trop belle pour qu’on la rate.
Oui, langue a fourché, les propos tenus sans nuances. C’est dommage que cela tombe, aujourd’hui, sur la personne qui me parait la plus mesurée de cette palabre de «Jakarloo bi». Et puisque l’occasion est là, ne la ratons pas. Et le premier, qui en prendra pour son grade, est la CNRA, organe plus réactif que proactif. Le paysage audiovisuel sénégalais sert du tout. Loin de faire l’apologie de la censure, mais une tendance à niveler vers le haut serait le moins que l’on puisse attendre. Les «live» intempestifs, loin de démontrer la capacité de production des télés, cachent un déficit de programmes intéressants. Alors, on saute sur un évènement quelconque pour faire du remplissage avec le plus grand inconvénient : laisser tout passer, offrir des scandales en scoop.
Le problème est que tout le monde parle à la télé et chacun espère faire tabac, en lâchant des énormités. Dommage que le prétexte soit Songué DIOUF, mais les plus tordus restent à découvrir. Ecoutez-les à la radio, suivez-les à la télévision. Ils tiennent des propos aussi graves que ceux tenus par Songué DIOUF. Exemple : Ndoye BANE, souvent, se croit illuminer de dire que «Sénégal deukou nafeq la» ou «Sénégalais dafasoxor» ou encore, «Sénégalais dou wax deugg». Réfléchissons, ensemble, pour réaliser ce que le moralisateur en carton nous dit. Point besoin d’aller chercher un contexte à ces propos. Ils sont, suffisamment, clairs. Imaginez, un instant, qu’un étranger nous fasse cette remarque, en public, à la télé ou dans les ondes d’une radio. Comparez ces propos et ceux d’un certain animateur de la «Radio des mille collines» de 1994 traitant une communauté de «cafards» à éliminer, incitant, ainsi, au massacre des tutsis du Rwanda. Si vous ne les prenez pas pour graves, allons voir qui, entre vous et moi, a un problème.
Et quand les plus sérieux bosseurs vont se reposer, les amuseurs viennent avec des «bongomans». Je les trouve amusants ceux-là, mais pas assez sérieux pour passer en direct. Ils ne sont pas nos «miroirs», après tout. Tellement d’exemples pourraient tourner. Chacun en est témoin. Et sûrement, s’il vous était donné de chasser le coq ou de sortir des flancs du cheval de Troie, vous saisiriez le prétexte pour dire le fond de votre pensée sur nos télés.
Alioune FALL (a.f)